Éditorial
Mégadonnées, données massives, données volumineuses ou Big data sont autant de termes utilisés pour désigner le volume impressionnant de données numériques produites en continu et le plus souvent en temps réel par les gouvernements, les entreprises, les scientifiques, la société civile et les particuliers par l’entremise d’Internet, des appareils intelligents, des systèmes de localisation GPS, etc. La croissance exponentielle de ces données disparates structurées ou non, couplée au développement des infrastructures et des outils informatiques, permettant de les saisir, de les stocker et de les analyser pour générer de l’information pertinente, ouvre des perspectives inouïes et donne lieu à des applications concrètes dans de nombreux domaines: santé, transport, marketing, statistiques, finances, éducation et autres. Les innombrables applications que les mégadonnées mettent à portée de main en font un enjeu économique, social et politique majeur.
Pour le secteur public, la révolution des données offre de nouvelles possibilités et, qui plus est, impose de nouvelles obligations en matière de gouvernance, d’élaboration de politiques publiques, de gestion et de prestation de services publics. Ainsi, dans les pays les plus avancés, la transparence et l’efficience gouvernementales ont désormais pour corollaire l’ouverture des données; la conception et l’évaluation des politiques publiques tendent de plus en plus à s’appuyer sur une analyse de données qui se donne les moyens d’être également prospective; le partage des données entre les institutions publiques et avec les entreprises privées s’insinue progressivement, quoique timidement encore, dans les mentalités des gestionnaires; la démocratie devient plus participative et les services publics se modernisent à toute vitesse grâce à l’utilisation des mégadonnées et des technologies de l’information et de la communication qui y sont associées.
Toutefois, les nombreuses possibilités induites par les mégadonnées ont de lourdes implications tant sur les plans juridique, économique, éthique, social et de la protection du territoire. Durant les derniers mois, des incidents révélant les failles de la sécurité numérique et des décisions prises par les gouvernements et les organes législatifs de plusieurs pays mettent au centre ces préoccupations dont en voici quelques-unes: comment concilier le droit à l’information, l’obligation de transparence gouvernementale, la protection de la vie privée et la sécurité publique? Quel est le niveau d’acceptation sociale de l’utilisation des mégadonnées personnelles par les gouvernements et les entreprises? Comment combler la fracture numérique pour faire bénéficier le plus grand nombre? Sur le plan de la gestion publique, comment instaurer la culture d’une prise de décision fondée sur l’analyse des données? Comment gérer le changement que cela requiert, notamment de la part des gestionnaires qui doivent s’adapter et des organisations publiques qui doivent apprendre à collaborer?
Quelles ressources est-on prêt à investir dans la formation et le recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée
Toutes ces questions et bien d’autres font l’objet d’une véritable explosion de recherches, de publications, de conférences et de groupes de travail. Pour se tenir au courant des tendances dans ce domaine et contribuer à alimenter le débat public, la présente Sélection d’Observgo intitulée Mégadonnées : opportunités, défis et risques recense quelques analyses, rapports de recherches, documents administratifs et études de cas publiés sur le sujet au cours des deux dernières années dans le monde.
Bonne lecture !
International – Seconde édition du baromètre des données ouvertes
Lancé en 2013 par la World Wide Web Foundation, le baromètre des données ouvertes offre un panorama de la prévalence et de l’impact des initiatives de données ouvertes dans le monde. Les éléments recueillis dans cette seconde édition du baromètre montrent que malgré des progrès importants en matière de transparence, des efforts restent à faire pour améliorer, généraliser et rendre obligatoire la publication des données gouvernementales sur les dépenses, la performance des services publics, les marchés publics, la lutte contre la corruption, etc. Le rapport formule des recommandations pour parvenir à une véritable « révolution des données », notamment une meilleure implication au plus haut niveau politique et une aide accrue aux initiatives locales. Selon le baromètre, le Canada se classe au septième rang des pays les plus performants.
World Wide Web Foundation (janvier 2015). Open Data Barometer Global Report. Second Edition
Classement des pays
Canada – Dispositif réglementaire pour un gouvernement ouvert par défaut
Le second Plan d'action du Canada pour un gouvernement ouvert 2.0 a été lancé le 6 novembre 2014 après six mois de consultations publiques. Les 12 engagements contenus dans le plan visent à améliorer l'accès aux données, à l'information et au dialogue ouverts. Le principe fondamental est celui du gouvernement ouvert par défaut. En appui à ce Plan d’action, la Directive sur le gouvernement ouvert impose aux ministères et organismes fédéraux d'assurer l'accessibilité de l’information et des données gouvernementales admissibles ayant une valeur opérationnelle, tout en respectant les restrictions de protection des renseignements personnels, de sécurité et de confidentialité. L’objectif est de favoriser la transparence, la reddition de comptes ainsi que la mobilisation des citoyens et d'optimiser les avantages socioéconomiques au moyen de la réutilisation.
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (novembre 2014). Plan d'action du canada pour un gouvernement ouvert 2014-2016
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (octobre 2014). Directive sur le gouvernement ouvert
International – Le nouveau rôle d'Internet et des médias sociaux dans les systèmes de surveillance de santé publique
Cette revue de littérature vise à évaluer l'efficacité et l'acceptabilité de l'utilisation des données provenant d'Internet et des médias sociaux dans les systèmes de surveillance de santé publique. À partir d'une analyse exhaustive d'articles traitant de systèmes de surveillance des maladies infectieuses, les auteurs concluent que les agences de santé publique reconnaissent généralement l'importance de ces données, mais que leur réticence à les intégrer dans leurs systèmes de surveillance est essentiellement due à de nombreux problèmes techniques non encore résolus.
VELASCO, E. et autres (2014). « Social Media and Internet-Based Data in Global Systems for Public Health Surveillance: A Systematic Review », The Milbank Quarterly, vol. 92, no 1, p. 7-33.
France – Projet interministériel d’archivage des documents numériques
Le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, celui de la Culture et de la Communication ainsi que le ministère de la Défense collaborent pour développer Vitam, un socle d’archivage permettant de classer, de conserver et de sécuriser les documents numériques qu’ils produisent. Cet outil sera réutilisable par tous les ministères et organismes ainsi que par les collectivités territoriales qui pourront l’adapter à leurs besoins. Le projet de mutualisation des services d’archivage dont le coût prévu est de 15 millions d'euros, devrait permettre de réaliser des économies d’échelle pour l’ensemble de l’administration publique et contribuera à harmoniser les pratiques autour de l’archivage électronique. Les premières interfaces du socle Vitam devraient être testées par les ministères en 2016.
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (mars 2015). VITAM : vers un socle d’archivage électronique commun à toute l’administration
OCDE – Défi des données massives pour les organismes de statistiques
Ce document décrit comment l’analyse de données massives peut aider à élaborer de meilleures politiques dans divers domaines, bien que ces données génèrent des défis pour la production de statistiques officielles. Selon l’auteur, elles présentent des limites d’ordre méthodologique : elles peuvent manquer d’exactitude, s’avérer incomplètes ou comporter des incohérences. Les instituts officiels de statistique doivent donc s’interroger sur leur façon d’inclure les données massives dans leurs travaux. Ils devraient aussi implanter un mode de certification de ces données et publier un guide des bonnes pratiques pour leur production. L’auteur recommande aux organisations internationales et européennes de promouvoir des normes méthodologiques pour les instituts de statistique et des canaux pour faciliter les échanges entre eux.
Reimsbach-Kounatze, Chrisitan (janvier 2015). « The proliferation of “Big Data” and Implications for Official Statistics and Statistical Agencies: A Preliminary Analysis », OECD Digital Economy Papers, no 245, OECD Publishing.
États-Unis – Pratique contractuelle en infonuagique
Les autorités publiques négocient un nombre croissant de contrats avec des fournisseurs de services spécialisés en infonuagique. Ces contrats, souvent de longue durée, constituent de nouveaux défis de gestion. En s’appuyant sur 5 études de cas en Caroline du Nord, les auteures de ce rapport présentent 12 éléments qui devraient être précisés dans les offres de services pour faciliter la gestion des contrats et limiter les risques. Des recommandations sont formulées, particulièrement pour la rédaction des clauses liées à la propriété et à la protection des données, à l’accessibilité de ces données et à leur localisation, à leur suppression, aux procédures et aux obligations des parties en cas de violation ainsi qu'aux questions relatives au règlement des différends.
IBM Center for The Business of Government (novembre 2013). Cloudy with a Chance of Success: Contracting for the Cloud in Government
International – Appel à un contrat social pour le respect de la vie privée et la sécurité sur Internet
À l’occasion de la Conférence mondiale sur le cyberespace qui s’est tenue le 15 avril à La Haye, la Commission mondiale sur la gouvernance d’Internet (CMGI) a publié une déclaration appelant à l’instauration d’un contrat social entre les gouvernements et les parties prenantes, y compris les citoyens, afin de rétablir la confiance et le climat de sécurité sur Internet. Pour la CMGI, neuf principes devraient être au cœur de ce contrat social, entre autres, la reconnaissance du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, le principe de nécessité et de proportionnalité de la surveillance, la sensibilisation du public aux bonnes pratiques de cybersécurité et l’assistance mutuelle dans la lutte contre les menaces transnationales.
Global Commission on Internet Governance (avril 2015). Toward a Social Compact for Digital Privacy and Security
France – L’Assemblée nationale adopte le projet de loi sur le renseignement sur fond de controverse
Le 5 mai 2015, les députés français ont adopté, à une large majorité, un projet de loi sur le renseignement qui autorise notamment les services de renseignement à installer chez les fournisseurs d’accès Internet un dispositif permettant de « détecter une menace terroriste sur la base d’un traitement automatisé ». Seules les métadonnées (origine ou destinataire d’un message, adresses IP, etc.) seraient surveillées; le contenu des communications resterait anonyme. Cette surveillance, étendue à toute personne en relation avec des individus suspectés, sera aussi utilisée à des fins de profilage et de renseignement pénitentiaire. Le contrôle sera confié à une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui délivrera son avis – excepté en cas d’urgence – avant toute opération de surveillance ciblée. Le texte de loi sera examiné par le Sénat fin mai. Ce projet est décrié par plusieurs institutions publiques, par la société civile et par certains ministres et députés qui considèrent que son contenu menace les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Ainsi, 75 députés d’une part, et le président de la République d’autre part, ont annoncé leur décision de saisir le Conseil Constitutionnel dès la fin de la navette parlementaire.
Assemblée nationale française (mai 2015). Projet de loi relatif au renseignement
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Australie – Guide des données massives dans le secteur public
L’Australie est l’un des premiers pays de l’OCDE à adopter une stratégie spécifique sur l’utilisation des données massives dans le service public. En effet, l’Australian Public Service ICT Strategy (2012-2015) et l’Australian Public Service Big Data Strategy (2013) mettent en place des mesures et des institutions pour améliorer la gestion et la prestation des services publics à l’aide des analyses de données massives. Dans cette perspective, le présent guide fournit aux ministères et organismes, des conseils et des bonnes pratiques pour les aider, notamment à cerner leurs besoins en analyses de données massives de même qu’à développer les compétences et capacités en matière de gestion de l’information, de gestion du changement, de gouvernance et d’utilisation responsable des données massives.
Australian Government (janvier 2015). Australian Public Service. Better Practice Guide for Big Data
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International – Transformation du modèle de prestation de services publics par l’utilisation des données massives
Dans ce chapitre, l’auteur du présent ouvrage passe en revue les possibilités offertes en matière de prestation des services publics par l’utilisation des données massives, les défis inhérents à cet usage ainsi que les changements qu’elle pourrait apporter dans les relations entre les gouvernements et les citoyens. Selon lui, la révolution des données et le développement spectaculaire des technologies de l’information et de la communication ont transformé le citoyen consommateur en un citoyen partenaire, qui participe activement à la prestation de services, à la prise de décision politique et à la surveillance de l’action gouvernementale. L’auteur illustre ses propos à l’aide de deux études de cas : la ville intelligente de Barcelone et l’aide d’urgence à Haïti après le tremblement de terre de 2010.
Morabito, Vincenzo (2015). « Big Data and Analytics for Government Innovation », dans Big Data and Analytics: Strategic and Organizational Impacts, Suisse, Springer International Publishing, p. 23-45.
Canada/International – Tour d’horizon des politiques et pratiques de partage des données personnelles
Selon les auteurs de ce rapport réalisé à la demande du Commissaire à la vie privée du gouvernement de l’Alberta, le partage des données personnelles dans le secteur public canadien est soumis à une législation dépassée et mal adaptée aux nouvelles réalités que présente l’exploration des données. De plus, il semble y avoir une certaine réticence des gouvernements à engager une véritable discussion publique sur la signification actuelle de cette pratique, dans un environnement marqué par une véritable explosion des données et des avancées technologiques facilitant leur collecte, leur utilisation et leur divulgation. Cette étude explore les contours du partage des données personnelles entre les ministères, les organismes gouvernementaux et le secteur privé en portant une attention particulière à la question de la protection de la vie privée. Sont principalement analysées douze initiatives de partage de données personnelles ayant eu lieu dans les dernières décennies dans sept administrations publiques, incluant l’Australie, le Canada, le Danemark, les États-Unis et le Royaume-Uni.
Perrin Stephanie, Jennifer Barrigar, Robert Gellman et Digital Discretion Inc. (janvier 2015). Government Information Sharing. Is Data Going Out of the Silos, Into the Mines?