Les hauts et les bas de l'administration publique - Été 2015


Éditorial

Durant l’année 2014-1015, l’équipe de veille de L’Observatoire vous a tenus informés des tendances émergentes ou en cours dans les administrations publiques à travers le monde. L’accent a été mis sur les pratiques, les modèles et les processus les plus inspirants ainsi que sur les outils visant à guider ou à faciliter la gestion et l’action publiques. L’équipe a choisi d’adopter une démarche différente pour cette édition d’été du bulletin thématique la Sélection d’Observgo.

Sur un ton parfois léger encore teinté de la chaleur des dernières journées estivales, cette Sélection d’Observgo présente quelques pratiques, décisions ou normes manifestement absurdes, aberrantes, insolites ou tout simplement attendrissantes, en vigueur dans nos administrations publiques. Sans aucun parti pris, ces capsules n’ont pas pour but de pointer du doigt les administrations publiques, mais de souligner les difficultés auxquelles font face les gouvernements – sans pour autant les exonérer –, qui doivent constamment composer avec des impératifs souvent contradictoires et réussir à suivre, voire à précéder, le rythme des changements technologiques, culturels et sociétaux, le tout dans un contexte économique difficile.

Cette édition Été 2015 de la Sélection d’Observgo a été réalisée avec le concours de nos abonnés qui ont répondu à l’appel à contribution lancé en juin. Nous remercions tous ceux qui ont pris la peine de nous envoyer des textes. Bien qu’ils n’aient pas tous été publiés en raison notamment des critères d’édition qui gouvernent cette publication, soyez assurés que ces documents ont été lus avec beaucoup d’intérêt et que certains pourraient être publiés dans nos prochains numéros d’Observgo.

Un grand merci à tous et bonne rentrée 2015-2016!



États-Unis - Interdiction de plaisir pour les bénéficiaires de l’aide sociale

En juillet 2015, le Kansas est devenu le plus récent État américain à proposer de sévères restrictions de dépenses aux bénéficiaires de l’aide financière de dernier recours. Dans cet État comme dans 37 autres, les prestataires doivent utiliser une carte de transfert électronique de prestations pour effectuer leurs achats. Dorénavant, les bénéficiaires du Kansas ne pourront plus se servir de cette carte pour se procurer de l’alcool, du tabac, des billets de loterie, des bijoux ou même de la lingerie. La nouvelle loi – considérée comme la plus stricte dans tout le pays – limite également l’accès aux activités récréatives. Il est interdit aux nécessiteux de dépenser l’argent de l’aide sociale dans les casinos, les salles de cinéma ou de concert, les parcs d’attractions, les piscines, les studios de manucure ou de tatouage ainsi que les commerces liés au sexe (bars de danseuses, salons de massages érotiques, etc.). Requérir les services d’une voyante, faire une croisière ou retirer plus de 25 $ par jour au guichet leur est également prohibé. Il ne s’agit pas d’une première aux États-Unis, où 25 États ont enchâssé dans leur législation des restrictions relatives à certains achats aux personnes qui bénéficient de l’aide sociale. Les législateurs font valoir que ces interdictions de dépenses considérées comme frivoles dissuaderont les citoyens de recourir à l’aide sociale. Fait notable : seuls trois États (le Colorado, l’Indiana et le Massachusetts) jugent l’acquisition d’une arme à feu comme une dépense injustifiée.

Kansas Legislature (2015). Senate Substitute for HB 2258 by Senate Committee on Public Health and Welfare - Concerning Kansas department for children and families; eligibility requirements for public assistance

National Conference of State Legislatures (2015). Restrictions on Use of Public Assistance Electronic Benefit Transfer (EBT) Cards


Europe - Les gouvernements font-ils vraiment ce qu’ils devraient faire?

Pour répondre à cette question à la fois cruciale et provocatrice, l’auteur de cette étude amorce une analyse prospective de l’action publique en prenant en considération six grandes problématiques susceptibles d’influer sur l’environnement externe de l’administration publique dans les prochaines décennies, soit les changements démographiques et climatiques; l’économie; le développement technologique; la confiance de la population et l’évolution du contexte politique. En comparant les réponses concrètes proposées par les praticiens et les actions effectivement réalisées par les gouvernements européens, l’auteur conclut qu’au-delà du discours, la plupart des gouvernements se concentrent essentiellement sur le court terme et prennent souvent des décisions opportunistes, voire anachroniques, dictées par des impératifs budgétaires et électoraux, qui ne reflètent pas l’importance des enjeux sociaux et économiques auxquels les populations feront face dans un avenir relativement proche.

Christopher Pollitt (février 2014). Future Trends in European Public Administration and Management: an Outside-In Perspective. Coordinating for Cohesion in the Public Sector of the Future.


International - 
Égoportraits, espace public et droits d’auteur : un débat vraiment nécessaire?

Perçue par les uns comme une manifestation d’avancée technologique et par les autres comme un signe de la montée de l’individualisme et du narcissisme, la popularité croissante des égoportraits pose des défis tout comme elle présente des opportunités pour les gouvernements à travers le monde. Le débat soulevé par la proposition adoptée par la commission européenne des affaires juridiques interdisant l’usage des selfies dans les lieux publics pour des raisons de protection de droits d’auteur est une illustration de l’embarras réglementaire créé par cette mode qui occasionne des conflits entre la propriété intellectuelle et le droit à l’image. La proposition visait à supprimer la liberté de panorama reconnue par la plupart des pays européens qui permettent ainsi à tout individu de prendre, de publier et de vendre librement des photos de monuments publics. Une telle interdiction entraînerait l’obligation d’obtenir des autorisations préalables pour toute personne désirant partager sur les réseaux sociaux un selfie pris devant l’Acropole, Big Ben ou le Mur de Berlin, et ce, afin d’éviter des poursuites en cas d’utilisation commerciale de cette photo par un tiers. La résolution adoptée par le Parlement européen en juillet 2015 met fin à ce débat en rejetant explicitement la proposition de limiter le droit de photographier librement l’espace public. Ailleurs dans le monde, d’autres gouvernements, comme celui du Québec, tentent d’exploiter le potentiel publicitaire que présentent les égoportraits en s’en servant comme outil de promotion touristique.

Parlement européen (20015). Résolution du Parlement européen du 9 juillet 2015 sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

Parcours législatif

Office du tourisme du Québec (juin 2015). Bilan 2014 à la hausse et promotion de l’été 2015


France - Don de jours de congé

En mai 2014, l’État français offre un cadre légal à une pratique originale de solidarité entre employés, qui avait cours sur une base conventionnelle dans le secteur privé français, et l’étend à l’ensemble du secteur public. Il s’agit du don de jours de congé. Ainsi, une loi promulguée le 9 mai 2014 autorise tout salarié des secteurs privé et public à faire don de ses jours de repos à un collègue devant s’occuper d’un enfant gravement malade. L’enfant à la charge du bénéficiaire doit être âgé de moins de vingt ans, être atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident rendant indispensable une présence soutenue. Le don doit être anonyme, sans contrepartie et soumis à l’autorisation préalable de l’employeur. Selon le décret déterminant les conditions d’application aux agents civils de l’État, les jours qui peuvent faire l’objet d’un don sont les jours d’aménagement et de réduction du temps de travail, ainsi que les jours de congé annuel. Ces derniers ne peuvent être cédés que pour tout ou partie de la durée de l’absence excédant vingt jours de travail. Le don doit être fait au bénéfice d’un autre employé relevant du même employeur.

Légifrance (mai 2014). Loi no 2014-459 du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade

Légifrance (mai 2015). Décret no 2015-580 du 28 mai 2015 permettant à un agent public civil le don de jours de repos à un autre agent public parent d’un enfant gravement malade


Canada (Nouveau-Brunswick) - Politique publique mirage

Dans ce rapport d’enquête publié en août 2014, l’Ombudsman du Nouveau-Brunswick constate que le programme de classification des cours d’eau géré par le ministère de l’Environnement n’était rien de plus qu’une illusion, donnant aux Néo-Brunswickois une fausse impression de sécurité sur la qualité de l’eau de leurs rivières. Créé en 2002, ce programme devait permettre d’établir des mesures de préservation des cours d’eau qui avaient fait l’objet d’une classification. Les demandes de classification pouvaient notamment être faites par des organismes communautaires qui devaient se conformer à une procédure exigeante. L’enquête révèle qu’aucune des dix-neuf demandes de classification déposées par les groupes communautaires depuis la création du programme n’a été acceptée par le ministre de l’Environnement, qui a usé de son pouvoir discrétionnaire pour les rejeter sans motif. Délibérément très détaillé, le rapport met en lumière toute la confusion bureaucratique et le manque de volonté politique qui ont concouru à l’échec du programme. L’Ombudsman saisit ainsi l’occasion pour faire des recommandations à l’ensemble des ministères et organismes afin d’éviter des situations similaires. Il insiste, entre autres, sur le fait qu’un règlement ne doit pas entrer en vigueur avant que le ministère responsable de sa mise en application soit certain que ses dispositions sont suffisamment claires, réalisables et applicables. 

Omudsman du Nouveau-Brunswick (août 2014). Rapport de l’Ombudsman portant sur la gestion du Programme provincial de la classification des eaux par le ministère de l’Environnement


Singapour - De l’importance de la propreté urbaine

Les touristes qui visitent Singapour sont souvent impressionnés par la propreté de cette Cité-État de l’Asie. Si ce succès tient en grande partie au civisme de ses habitants, il repose également sur des lois strictes et une surveillance étroite. En effet, quelque 100 employés de l’Agence environnementale parcourent la ville pour surveiller le comportement des citoyens. Ils peuvent ainsi mettre à l’amende quelqu’un qui oublie de tirer la chaîne en sortant d’une toilette publique; ils peuvent aussi sévir lorsque quelqu’un jette un papier sur la voie publique. Selon le type de déchets et le nombre de récidives, le contrevenant peut être condamné à effectuer des travaux communautaires de nettoyage en portant une veste qui l’identifie comme « souilleur ». En revanche, les agents interviennent rarement envers les délinquants qui crachent leur gomme à mâcher sur la voie publique. Il ne s’agit pas de laxisme de leur part : le gouvernement était las de dépenser des centaines de milliers de dollars par année pour retirer des boulettes séchées des rues ou des wagons de métro. Il a donc tout simplement interdit d’importer et de vendre de la gomme à Singapour. Enfin, touristes et citoyens doivent bien se garder de peindre des graffitis. Le châtiment réservé aux « tagueurs récidivistes » est une solide séance de bastonnade. La loi stipule même le nombre de coups (de 3 à 8) et le diamètre maximal du bâton (1,27 centimètre). Notons cependant que cette forme de correction est seulement infligée aux hommes âgés de moins de 50 ans.


Singapore Statutes Online (2015). Environmental Public Health (Public Cleansing) Régulations

Singapore Statutes Online (2015). Environmental Public Health (Corrective Work Order) Régulations

Singapore Statutes Online (2015). Vandalism Act

Singapore Statutes Online (2015). Vandalism Act